Évaluations d’enseignement

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Article de couverture
Septembre 2022 (tome 54, no. 4)

J’ai récemment reçu une évaluation d’enseignement accablant.

Je pourrais le laisser comme ça; pas grande chose à dire, vraiment. J’ai reçu relativement peu de commentaires négatifs sur mon enseignement et je reconnais que j’occupe une espace de privilège à ce sujet – il y a un corpus agrandissant d’évidence qui indique que les évaluations dans leur format actuel ont de biais intégrés contre les groupes sous-représentés.[1]

Mise à part la question des biais, je comprends d’où ils viennent. Les étudiants sont de plus en plus stressés à plusieurs axes. Si on leur donne un espace pour s’exprimer en fin de session, on est certain d’entendre les voix des contrariés. En fait, quand les institutions ont changé du format papier à numérique, la pensée générale [2] était que le moyen ne devait pas trop changer, même si le taux de réponse était réduit – ceux qui étaient très contents et ceux qui étaient très contrariés n’arrêteraient pas de prendre le temps d’évaluer leurs professeurs. Je suppose que si je ne voyais jamais de commentaire négatif, il faudrait que je me demande si quelque chose n’allait pas.

De plus, j’ai beaucoup d’appui parmi mes collègues et camarades, à travers lequel je peux facilement – et je suis encouragé de! – ignorer la mauvaise presse. Nous savons ce que nous faisons, n’est-ce pas ?

Mais cela dit, il y a un étudiant qui a pris de grandes mesures pour décrire ses problèmes avec mon cours, même après qu’il devient clair qu’il y avait un déséquilibre entre les attentes de l’étudiant et le cours que j’avais imaginé et donné, j’ai je sentiment qu’il y a quelque chose à apprendre d’une telle évaluation. Après tout, nous avons demandé des commentaires.

Les « objectifs d’apprentissage » sont une expression qui revient de plus en plus souvent dans ma carrière. En termes mathématiques, je pense qu’il s’agit de transmettre la liste des sujets – définitions et théorèmes – que les étudiants doivent s’attendre à connaître (et, je suppose, à être testés) s’ils terminent un cours donné. L’intention ici est de fixer des attentes. Et en y réfléchissant, il semblerait que les attentes soient l’élément clé ici. J’ai des attentes en tant qu’instructeur ; les étudiants ont certainement des attentes puisqu’ils ont payé des frais de scolarité. Mais, même si une liste d’objectifs d’apprentissage a été fournie, ai-je communiqué efficacement mes attentes envers les étudiants, dans mes cours ? Je soupçonne que non. [3]

Je soutiens que des espaces d’enseignement plus inclusifs pourraient résulter d’une meilleure articulation des attentes – ce que nous attendons des étudiants et, surtout, ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas attendre d’un cours auquel ils se sont inscrits.

Je tiens ici à ne pas identifier la classe, et donc le groupe d’étudiants, d’où provient cette évaluation. Mais il est utile pour mes objectifs de travailler à travers un exemple, convenablement abstrait. Non pas pour pinailler, mais plutôt pour réfléchir aux attentes et à l’inclusion.

Voici l’exemple : Un étudiant se plaint que j’ai présenté X dans un cours, mais que je ne suis jamais revenu sur la construction de X dans les cours suivants. L’étudiant identifie clairement X, et il a tout à fait raison : je ne suis pas revenu sur sa construction. Le but était de fournir un exemple motivant tiré de l’extérieur du cours. En fait, on pourrait même dire qu’il a été tiré de l’extérieur des mathématiques, si l’on donne une définition suffisamment étroite des mathématiques. Le but de l’exemple était d’illustrer une transition de la technique A à la technique B et l’exemple n’était pas vraiment important. Ce qui était important, c’était le fait que la technique A était inutile pour l’étude de certains phénomènes naturels, ce qui laissait entendre qu’une autre approche pourrait porter ses fruits, ce qui, à son tour, motiverait (espérons-le) les efforts supplémentaires nécessaires pour établir la technique B sur des bases solides. Il convient de noter que les deux techniques se ressemblent vraiment au départ, à l’exception du fait que la technique B demande strictement plus de travail, et il n’est donc pas difficile d’imaginer qu’un étudiant se demande si le travail supplémentaire en vaut la peine pour commencer. En effet, pour les techniques en question, j’ai entendu cette plainte de la part des étudiants.

De toute évidence, ce n’est pas ce que l’étudiant en question a retenu de ce qui était censé être un cours autonome. Aurais-je pu être plus clair ? Je suis sûr que j’aurais pu, mais à cette fin, qu’est-ce qui aurait pu l’empêcher de passer à côté de ce point essentiel ? Sans chercher à deviner, il est facile d’imaginer un large éventail de problèmes qui se posent lorsque deux personnes tentent de communiquer. Mais cela pourrait tout aussi bien provenir d’une rigidité des idées sur « ce que sont les maths », acquises au fil du temps sans que l’élève en soit vraiment responsable, au-delà des cours qu’il a suivis jusque-là. Dans l’ensemble, je suis obligé de lire cette évaluation comme venant d’un étudiant fort qui a des vues tout aussi fortes sur la structure d’un bon cours de mathématiques.

Mais ce décalage semble être une mauvaise raison d’abandonner. 

Nous devons nous efforcer de rendre nos cours aussi diversifiés que possible, et ce, de plusieurs manières : en plus de nous efforcer de faire en sorte que toute personne suffisamment motivée pour suivre un cours se sente la bienvenue, nous pouvons également créer un environnement inclusif en faisant preuve d’une attitude inclusive vis-à-vis de notre matériel. Par exemple, il y a un endroit pour prendre du recul et essayer d’avoir une vue d’ensemble, tout comme il y a un moment pour se plonger dans les détails d’une manière didactique attentive. Je me souviens avoir été aussi frustré par des cours qui ne donnaient aucun détail que par des cours qui ne s’arrêtaient jamais pour réfléchir à ce que nous essayions d’accomplir. Il est également vrai qu’en écoutant attentivement la façon dont les étudiants parlent de leurs préférences mathématiques, on entend souvent qu’ils « aiment la zone telle ou telle, qui est la meilleure sorte de mathématiques ». Tout le monde a des goûts différents en matière de mathématiques, et c’est une bonne chose, mais il semble probable que les silos soient maintenus par des choix subtils que nous faisons dans la manière dont le nouveau matériel est présenté aux élèves. En outre, l’utilisation malencontreuse d’un jargon ou le choix d’un exemple motivant à forte connotation machinale peuvent rendre inutilement difficile l’accès à une sous-discipline donnée. Si la diversité engendre la diversité, nous devrions certainement nous efforcer de proposer des cours qui montrent l’étendue des mathématiques et les nombreuses interconnexions entre les diverses sous-disciplines, d’une manière accessible au plus grand nombre d’étudiants possible.

En fin de compte, nous voulons que nos classes comprennent des étudiants motivés provenant d’horizons aussi divers que possible – l’expérience personnelle suggère que cela conduit, à tout le moins, à une discussion plus vivante et plus engagée. Je suis donc amené à conclure que mon problème n’est pas de trouver comment rendre tous les étudiants heureux tout le temps, mais plutôt de communiquer clairement (et, probablement, de me répéter souvent) ce dans quoi chaque étudiant s’engage ici. Pour y parvenir, il faut peut-être plus qu’un simple ensemble de nouvelles stratégies sur lesquelles je peux m’appuyer pour communiquer mes attentes dans les cours dont je suis responsable. Il se peut que, pour créer des environnements plus inclusifs et diversifiés en mathématiques, un changement culturel plus profond soit nécessaire. Un changement qui réfléchit aux frontières, visibles et invisibles, qui existent au sein des mathématiques dans leur ensemble et entre les sous-disciplines mathématiques ; un changement qui fait comprendre dès le début d’une séquence de cours de mathématiques qu’il existe de nombreuses façons de penser et de communiquer de nouvelles idées.

Les idées exprimées et les choix éditoriaux effectués dans ce texte sont ceux de l’auteur, bien que de nombreuses personnes aient lu et donné de précieux conseils sur les versions préliminaires de cette réflexion : Erin Despard, Dagan Karp, Tye Lidman, Robin Wilson.

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1. J’étais conscient de ce fait dans un sens familier, mais j’ai été complètement époustouflé quand j’ai vu le volume de recherche qu’une recherche sur Internet a retourné. Je ne suis pas particulièrement intéressé – dans le cadre de cette réflexion – par la question de savoir si nous devrions supprimer complètement les évaluations. Il suffit de dire qu’il existe de solides arguments en ce sens.

2. Je ne pense ici qu’à ce que j’ai entendu dire pour apaiser les inquiétudes apparemment raisonnables de mes collègues qui craignaient que les évaluations en ligne soient beaucoup plus inutiles que les évaluations sur papier en raison de la baisse attendue du taux de réponse des étudiants.

3. J’ai essayé, évidemment, mais voici un excellent exemple de ce qui ne fonctionne pas : Un professeur du Tennessee a donné des instructions dans son syllabus de cours pour trouver un billet de 50 dollars caché dans un casier. Personne n’a récupéré l’argent ; personne ne lit le syllabus. Il est facile de trouver cette histoire en ligne, mais je ne peux m’empêcher d’inclure le lien vers le reportage de As It Happens sur l’expérience : https://www.cbc.ca/radio/asithappens/as-it-happens-the-monday-edition-1.6284012/this-prof-hid-50-in-a-locker-to-see-if-his-students-read-his-syllabus-nobody-found-it-1.6284015.

Envoyer un courriel à l’auteur(e) : liam@math.ubc.ca
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