(Dés)Équilibrer la recherche mathématique et l’enseignement à distance dans l’ère de la COVID
Quand j’ai été invitée à écrire cet article au début de décembre, j’ai toute de suite pensé à faire une analyse positive des effets de la pandémie sur la recherche mathématique. Certes, nous avons appris à collaborer avec des gens intéressants aux quatre (ou infini) coins du monde. Il y a, en plus, un grand bénéfice pour ceux qui ont de la difficulté à se déplacer, soit pour les raisons personnelles ou pour manque de ressources. Notre nouvelle expertise sur la collaboration virtuelle a ouvert la porte à la possibilité d’offrir de tels événements à l’avenir et nous permet à rêver de réduire notre impact sur la planète Terre avec moins de déplacements académiques.
« Manipulation syntactique ! »
Avançons quelques semaines jusqu’au moment où je me retrouve en mode contrôle de crise. Début janvier, le rythme frénétique d’Omicron accompagné de l’école à distance de mes enfants remplacent ma vision presque romantique du mois précédent. Malgré cela, j’essaie toujours d’achever les résultats de recherche d’un congé sabbatique à la maison. Cela fait avec presque aucun déplacement (ou devrais-je dire que les voyages sont virtuels ?). J’ai de la chance de ne pas avoir à m’inquiéter de l’incertitude d’enseigner aux formats variables (ou variantes) formats non standards cette année et, bien sûr, je suis tellement chanceuse d’avoir une poste en permanence, un bon emploi, une maison, une famille solidaire et accès à plusieurs ressources. Je continue à me rappeler de ceci, entre de multiples interruptions.
« Comment écrit-on, ‘peu importe’ ? »
Que veut dire l’enseignement à distance ? Maintenant, la plupart des parents des enfants qui fréquent l’école primaire doivent certainement connaître ce terme, au Canada et partout au monde. Permettez-moi d’essayer à l’expliquer à ceux qui n’ont pas eu « le plaisir » de vivre cette expérience. D’abord, c’est une question piège sans réponse évidente ! En mars 2020, la majorité des enseignants, comme le reste de nous mortels, n’avait aucune formation en enseignement à distance. Au début, quand les écoles ont fermé, mes enfants n’avaient pas d’éducation formelle pendant plusieurs semaines. Puis, les enseignants ont commencé à envoyer les activités pour les enfants aux parents. Cependant, plus de devoirs pour les enfants veut dire la même chose pour les parents. Après un bon moment, les réunions de classe ont été organisés sur de différentes plateformes en ligne. Mais ne vous y trompez pas; ceci n’a pas rendu les choses plus faciles ! D’un côté, les jeunes enfants avaient toujours besoin de l’aide et de la supervision considérables pendant ces réunions. De l’autre côté, quelques plateformes en ligne étaient difficiles à gérer pour ceux qui ne les ont jamais utilisés. En certains cas malheureux (mais hilarants), les enfants et les parents désorientés ont créés diverses réunions simultanées et isomorphes, et il a fallu trouver la bonne salle (c’est-à-dire celle où se trouve le prof). Enfin, les réunions étaient courtes et elles finissaient avec une longue liste d’activités pour les enfants à compléter. Naturellement, cette liste grandissante de devoirs a mené la frustration sans fin aux parents.
« Le prof d’éthique tient son bébé pendant qu’il enseigne ! Viens voir ! »
Depuis le bon vieux temps de 2020, les choses ont amélioré considérablement. Maintenant, les enseignants et les enfants sont devenus de véritables experts dans le domaine des plateformes en ligne. Les cours durent beaucoup plus longtemps et parfois pendant toute la journée, comme s’ils étaient à l’école ! Les enfants sont plus engagés et ont besoin de moins d’assistance de leurs parents. Cependant, ceci est loin d’être la même situation que s’ils avaient les cours sur place à l’école. Il faut toujours que nous surveillions les enfants pour qu’ils ne bavardent pas pendant les cours. En plus, il faut être là au cas où ils auraient besoin d’aide (c.-à-d. ils ne trouvent pas le bon livre, stylo, outil de géométrie, pièce, vinaigre; ou s’ils ne savent pas épeler un mot, ils ont besoin d’aller aux toilettes, ils ont faim, il y a une crise en leurs cours d’art, etc.)
« Maaaaaaaman, viens ! Cours de latin ! »
Comment peut-on accomplir la réflexion nécessaire pour écrire une pièce, sinon la réflexion profonde que nécessite la recherche quand on souffre des interruptions toutes les quinze minutes? Dites-moi, s’il vous plaît, je vous écoute ! En ce qui concerne les activités qui semblent assez « recherche-âtre », je me trouve complétant des taches moins difficiles, comme : des projets faciles avec les étudiants, l’édition et la rédaction de rapports sur des articles, organisation des événements, et répondre aux questions des collaborateurs au lieu d’en poser moi-même.
« OK, maintenant il faut représenter 2 fois 5 avec des pièces. »
Gardant cela en tête (ou hors tête ?), je me concentre maintenant sur les aspects positifs et je dresse une liste (et la vérifie deux fois) de ce qui fonctionne. L’étape la plus importante est de ne pas avoir des attentes trop élevées (ni de votre travail en mathématiques ni de vos compétences parentales). Vivez au jour le jour et démontrez votre amour pour votre famille. Essayez d’abord d’accomplir les tâches les plus faciles, et laissez les projets les plus difficiles pour minuit quand tout le monde dort (Quoi ? Vous voulez dormir ? Dommage !). Trouvez des collaborateurs qui comprennent vraiment votre situation et qui sont patients (points bonus pour la miséricorde communautaire). Soyez honnête concernant ce que vous pouvez faire ou non. Apprenez à dire non. En fait, dites non généreusement et souvent (sauf aux gens qui vivent des situations pires que le vôtre, qui, vous savez, cela pourrait être tout le monde). Soyez reconnaissants du travail des enseignants, et soyez patients. Essayez d’ajouter de l’humour aux projets des enfants (« ce soir, nous mangeons ton projet de science, youpi ! »). Essayez de développer une routine et de garder de la structure à la maison. Vérifiez en avance que tous les enfants ont accès à leur matériel de cours pour qu’ils n’aient pas aussi souvent besoin de votre aide. Appréciez les bonnes choses dans votre vie. Parlez à vos amis. Mangez du chocolat.
« Ayyy, je dois aller aux toilettes ! »
Pour conclure… Bien que l’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle avait toujours été compliqué, la pandémie l’a menée à un tout autre niveau. Ce dont nous avons décrit ici est, bien sûr, qu’aux surfaces des défis que la COVID nous a menés en tant que mathématiciens. Je suis certaine qu’il y a beaucoup d’autres scénarios difficiles que vous, chers lecteurs, avez dû vivre. Néanmoins, si vous êtes membre du club de ceux qui doivent élever des enfants tout en étant mathématicien, voici mon message à vous : si vous vous sentez comme un mauvais parent pendant que vous travaillez et un mauvais mathématicien pendant l’enseignement à distance, essayez d’être plus gentils avec vous-mêmes et avec vos bien-aimés, et n’oubliez pas que vous êtes en bonne compagnie !
« Si, yo ask for help, moi aussi. »
N.B. :
- Les phrases entre les paragraphes sont de véritables citations des enfants de l’auteure pendant les périodes d’enseignement à distance. Les phrases de départ ont été prononcées dans un mélange de l’espagnol, le français et l’anglais. Seulement la dernière est restée en langue originelle.
- Bien que la majorité de cet article ait été écrit pendant les jours de l’école virtuelle à Montréal, il a été terminé au début février, quand les enfants de l’auteure sont rentrés à l’école et l’auteure a eu du temps pour prendre de longs bains.
- Aucun enfant n’a été blessé pendant la création de cet article.