Je ne me considère pas du tout un écrivain de la prose. Alors, lorsqu’on m’a demandé d’écrire un article de couverture pour les Notes, j’avais une certaine réticence. Je m’assois à mon bureau alors que le mois d’août tire à sa fin, et réfléchit aux enjeux de la Société mathématique du Canada et de la communauté mathématique en général. Mon point de vue est celui d’un professeur, d’un directeur de département et d’un chercheur.

La pandémie, les variants et leur impact inévitable sur la session d’automne qui s’approche me préoccupent. Certes, il y a beaucoup à craindre alors qu’on se prépare pour la première rentrée en personne depuis 2019, mais l’éternel optimiste en moi pense aux conséquences positives de cette expérience collective.

Pour moi, comme pour bien d’autres autres professeur.es et enseignant.es du pays, la dernière année et demie fut une année du développement professionnel. Plusieurs de mes collègues sont devenu.e.s des aficionados de Teams/Zoom et ont appris à se servir (et à dépanner) des outils technologiques de la profession, ils ont appris à créer des diapos et des vidéos Beamer pour leurs cours. Un grand nombre d’entre nous avons développé des ressources, des aptitudes et des matériels qui nous seront utiles pour les années à venir. Personnellement, je suis content que notre serveur WeBWork soit mis à jour. D’ailleurs, il a eu un bon entraînement au cours de l’année passée. J’ai aussi bien apprécié l’efficacité des réunions en ligne, quoique le badinage postréunion et des baignés qu’on nous a servis de temps en temps pendant les réunions me manquent.

L’une des singularités des mathématiques est qu’elles s’appuient sur le passé. À bien des égards, nos cours servent comme une épreuve pour les succès et les échecs des modalités d’enseignement de l’année passée. L’année 2020/21 a aussi été marquée par des préoccupations à l’égard de l’intégrité académique. Pour les étudiant.e.s qui ont pris des raccourcis pendant leurs études à distance, le retour en classe pourrait s’avérer difficile. Mais je suis certaine qu’en peu de temps les étudiant.e.s s’adapteront de nouveau à l’apprentissage en personnage et commenceront à apprécier ses nombreux avantages.

Pour la nouvelle cohorte entrante, dont plusieurs ont peut-être pris du retard, le retour en présentiel pourrait ajouter à l’anxiété en lien aux mathématiques. Cette angoisse mathématique date d’avant de la pandémie. J’aimerais rassurer ces derniers.ières qu’iels auront accès directe à leurs professeur.e.s, à leurs assistant.e.s d’enseignement et aux tuteurs.trices du centre d’aide en mathématique de leur université. Ces ressources distinguent ainsi la nouvelle année avec la dernière et j’espère que les étudiant.e.s sauront en profiter pleinement. Les campus à travers le Canada sont prêts à recevoir les étudiant.e.s. Après tout, c’est ce que nous faisons de mieux.

Mettant à côté les soucis départementaux et parlant en ma qualité de mathématicien, je dois admettre que je suis assez optimiste quant à ce que nous avons vu naître à l’issue de notre lutte mondiale contre la COVID-19 :

  • La possibilité d’assister à plusieurs colloques sur différents continents.
    Pour ceux et celles qui, comme moi, vivent à Saint John, le voyage implique forcément plusieurs arrêts avant d’arriver à la destination du colloque. Il était tout simplement fantastique d’avoir la chance d’assister à trois colloques en dix jours l’été dernier. Aucune réservation d’hôtel ou de vol, ni d’escale, ni de piles de factures et de documents de voyage pour réclamer les frais (le fléau de mes voyages).
  • Être capable de visionner des vidéos des sessions plus tard.
    Je suis peut-être le seul, mais pour la plupart des colloques auxquels j’assiste, je ne suis que deux tiers du matériel en temps réel. Le format virtuel (et les enregistrements des sessions) ont considérablement réduit mes frénétiques gribouillis pendant des sessions en direct. J’ai vraiment apprécié la possibilité de revoir non seulement les conférences, mais aussi les périodes de questions et de discussions. Pour moi, cet aspect seul vaut bien le tarif d’enregistrement pour les évènements en ligne.
  • La possibilité de participation pour les étudiant.e.s des cycles supérieurs, les chercheur.e.s sous-financé.e.s et les mathématicien.ne.s d’autres pays avec des restrictions de voyage.
    Lors de ma participation dans un colloque international cet été, j’ai parlé à une jeune doctorante brillante de l’Iran. Elle était contente de pouvoir assister à plusieurs colloques cette année. cela lui a été impossible auparavant en raison des frais de déplacement et d’autres problèmes logistiques. Je suis certain qu’elle n’est pas la seule à avoir cette nouvelle possibilité. De nombreux.euses d’autre chercheur.euses ont eu aussi l’occasion de présenter leur recherche plus qu’avant. À certains égards, la pandémie a servi d’égalisateur et je m’en réjouis.
  • Qui a dit qu’il n’est pas facile d’être vert?
    Les réunions offrent, sans aucun doute, une empreinte carbone plus faible. Grâce à la calculatrice d’émissions de carbone de l’OACI, j’ai appris que les émissions de CO2 pour un vol plus au moins court de Saint John à Toronto s’élèvent à 250 kg. Je me sens donc encore mieux d’avoir assisté aux colloque en mode virtuel.

Depuis mon entrée en fonction en tant que vice-président de l’Atlantique, les discussions autour du format de la réunion d’hiver 2021 de la SMC les réunions et les fils de discussions par courriel. De plus, comme je l’ai mentionné, les réunions virtuelles offrent des avantages. Tenir des réunions futures dans un format exclusivement présentiel pourrait désavantager les chercheurs.euses des pays à faible taux de vaccination. Ces personnes pourraient être plus vulnérables à l’infection s’ils choisissent d’assister à la réunion. Mais surtout, elles seraient probablement confrontées à des restrictions de voyage faute de preuve de vaccination.

Cela ne rend pas plus facile la décision de la SMC quant au format des réunions futures. En effet, plusieurs s’accordent pour dire que des réunions virtuelles comportent des inconvénients importants, dont la fatigue de l’écran et les conflits de fuseau horaire. Nous sommes toutefois tou.te.s d’accord que le plus grand inconvénient est l’absence d’opportunités de réseautage.

C’est plus difficile pour les étudiant.e.s des cycles supérieurs de rencontrer, sur une plateforme virtuelle, d’autres membres de leur réseau qui pourraient un jour leur servir de mentors ou des collaborateurs.trices. D’un autre côté, certains chercheurs.euses émergent.e.s (surtout les plus introverti.e.s) trouveront le format virtuel moins intimidant et seront plus enclins à poser de questions et à interagir avec de nouvelles personnes. Bah! Une dichotomie après l’autre, et aucune application claire (pour moi du moins) du rasoir d’Occam.

Alors le débat d’IRL contre URL continue. Dans un certain sens, ce serait une occasion perdue de revenir en arrière après la pandémie. En attendant, le conseil administratif de la SMC a pris la décision de tenir la Réunion d’hiver 2021 en format virtuel. À quoi ressembleront les futures réunions de la SMC? Virtuelle, en personne, ou entre les deux? Le défi est de trouver le juste milieu. Mais bon, pas de diamant sans pression! J’espère que vous trouverez de vrais bijoux lors de la Réunion d’hiver 2021 de la SMC.