Omicron?

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Éditorial
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Éditorial
Février 2022 (tome 54, no. 1)

Tout allait reprendre son cours normal cette session. L’enseignement hybride à l’automne, qu’on disait, et le retour au bon vieux temps à l’hiver. Or, comme nous le savons tou.te.s, est ensuite arrivé Omicron et tout s’est effondré.

Je sais : vous en avez assez de lire un éditorial de plus sur la COVID. J’en ai moi aussi assez d’en écrire un autre. Donc, je ne le ferai pas. Je vous parle plutôt de…

Je me suis bien amusé à entendre les gens qui appelaient la nouvelle variante « Omnicron » ou « Omnicon ». C’est logique : jusqu’à il y a à peine quelques mois, ce n’était pas un nom que la plupart des gens entendaient souvent. En dehors d’associations étudiantes (et de l’usage chrétien d’ « Alpha et Omega), les lettres grecques sont le plus souvent utilisées dans des contextes scientifiques ou elles ne sont pas utilisées du tout. Omicron n’est pas une lettre qu’on utilise souvent en mathématiques ou en physique parce qu’elle n’a pas de glyphe distinctif. Les astronomes s’en servent parfois, mais pour nommer la quinzième étoile la plus brillante dans la constellation, ce qui ne la donne pas trop d’importance.

Heureusement, nous n’avons jamais eu un nombre aussi grand de tempêtes tropicales dans une même année pour que les météorologues nous avertissent de l’ouragan omicron. De toute façon, l’OMM a abandonné l’alphabet grec comme source de noms de tempêtes. Certaines « tempêtes grecques » de 2020 ont été assez importantes en sévérité que le protocole a exigé la retraite de ces noms – et on a estimé qu’on ne pouvait pas en retirer des simples lettres, alors ils se sont tournés vers une autre liste alphabétique de prénoms.

Peut-être qu’ils se sont prononcés trop tôt. Après tout, la Grèce classique a abandonné des lettres de temps en temps. Où sont digamma (Ϝ) , stigma (Ϛ), koppa (Ϟ) et sampi (Ϡ)? Et ma question n’est pas d’ordre rhétorique : toutes les quatre lettres ont retrouvé des emplois après retraite comme chiffres grecs. À divers moments, digamma et stigma ont représenté 6; koppa a déjà été 90 et sampi 900. Des années plus tard, les mathématicien.nes ont aussi trouvé un rôle pour digamma : Ϝ(z) est la dérivée logarithmique de Γ(z); c’est-à-dire, Γ'(z)/Γ(z). De plus, des fonctions étaient définies pour trigamma, tétragamma, etc. : elles sont parfois représentées par des lettres qui ressemblent plutôt à des portemanteaux.

L’usage de ∑ et de ∏ pour les sommes des produits est plutôt simple. Mais que dire de ∐ qu’on utilise pour les coproduits? Il semble y avoir une longue histoire, commençant au XIXe siècle quand Peano a introduit U et ∩ pour l’union et l’intersection. Russel, de sa part, a introduit « v » pour « ou » en 1908 (probablement du « vel » en latin.) Il a indiqué « et » par un point – soulignant sa ressemblance formelle à la multiplication, mais non sa dualité de Morgan avec « ou ». Ce n’était qu’on 1930 que Heyting a introduit « ⋀ » pour indiquer « et », soulignant la ressemblance entre l’opération et l’intersection d’ensemble. Et bien sûr, avec l’avènement de la théorie des catégories, l’extension de son usage comme symbole de produit inversé pour une union disjointe était presque d’une évidence. Or il semble y avoir une coïncidence quelque part dans ce processus. Peano n’a sûrement pas inventé le symbole ∩ pour ressembler à π.

J’ignore la morale de toute cette histoire. Mais c’est mieux qu’écrire encore une autre histoire sur la COVID.

Portez-vous bien!

Envoyer un courriel à l’auteur(e) : rjmdawson@gmail.com
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