Le 19 septembre 2007, la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens (la « Convention ») est entrée en vigueur. Fruit d’un long processus impliquant des recours collectifs dans plusieurs tribunaux du Canada, elle a été signée par le Consortium national (formé de vingt cabinets juridiques représentant d’anciennes et anciens élèves des pensionnats), plusieurs entités religieuses canadiennes et le gouvernement du Canada. Les tribunaux provinciaux et territoriaux ont approuvé la Convention, qui était, à l’époque, le plus important règlement extrajudiciaire de l’histoire du Canada. Voir [1] pour un compte rendu détaillé de l’historique et des conséquences à ce jour de la Convention.

Outre l’octroi d’une indemnisation financière aux personnes ayant fréquenté les pensionnats, la Convention prévoit un certain nombre de mesures destinées à réparer les dommages causés aux nations autochtones du Canada par le programme des pensionnats. L’une des mesures les plus importantes a été la création de la Commission de vérité et réconciliation (CVR), dotée d’un budget de 60 millions de dollars. Après cinq années de collecte d’informations et de consultations, la CVR a présenté ses conclusions définitives en 2015; celles-ci se trouvent sur le site Web du Centre national pour la vérité et la réconciliation [2]. Parmi ces conclusions figurent les Appels à l’action, d’une importance cruciale, regroupés dans une liste comptant 94 « appels » précis. Le 7e appel de la liste est le suivant :

Nous demandons au gouvernement fédéral d’élaborer, de concert avec les groupes autochtones, une stratégie conjointe pour combler les écarts en matière d’éducation et d’emploi entre les Canadiens autochtones et les Canadiens non autochtones.

Il est clair que ces « écarts en matière d’éducation et d’emploi » comportent de beaucoup d’aspects et que des améliorations sont nécessaires dans de nombreux domaines (par exemple, le financement par élève dans l’enseignement primaire-secondaire) qui ne concernent pas directement les mathématiques. Cependant, il est également clair, du moins pour nous, que le niveau d’enseignement des mathématiques est une composante importante du niveau d’éducation et que la réduction de tout écart global nécessitera une amélioration considérable de l’enseignement des mathématiques à bien des égards. Bien que le 7e appel s’adresse au gouvernement fédéral, les ressources intellectuelles nécessaires pour y répondre se trouvent principalement dans les communautés canadiennes des mathématiques et de l’enseignement des mathématiques, représentées par la SMC, la SCMAI [3] et le GCEDM [4]. Notre communauté réagit de multiples manières. Par exemple, les séances extraordinaires des réunions de la SMC ayant pour thème l’éducation autochtone attirent des conférenciers et conférencières qui présentent diverses initiatives visant à accroître l’intérêt envers les mathématiques et à en améliorer l’apprentissage dans diverses régions du pays, ainsi qu’un public enthousiaste et engagé.

Le comité de la SMC pour la réconciliation en mathématiques a été créé pour veiller à ce que cette communication et cet échange d’idées restent efficaces, et pour générer des initiatives à l’échelle nationale afin d’améliorer les possibilités d’accès à la force des mathématiques pour la population étudiante et les chercheurs et chercheuses autochtones. Voici quelques exemples de la façon dont ces possibilités pourraient être améliorées : établir un soutien systématique à la préparation et à la formation en cours d’emploi du personnel enseignant du primaire afin qu’il maîtrise les mathématiques, en particulier pour le personnel qui prévoit d’enseigner dans les écoles des Premières Nations; développer une pédagogie, basée sur des exemples culturels autochtones appropriés, qui développe la pensée mathématique; améliorer l’accès élargi aux possibilités d’enrichissement : toutes les écoles devraient avoir un programme de cercles mathématiques; et construire un réseau de gardiennes et gardiens du savoir mathématique autochtone (écologistes, arpenteurs ou arpenteuses, ingénieurs ou ingénieures, ou médecins), afin qu’ils servent d’exemples pour vivre une vie enrichie par les outils mathématiques. Il ne s’agit là que d’un échantillon d’idées, et aller de l’avant avec l’une ou l’autre d’entre elles constitue un défi.

L’un des principes fondamentaux de la réconciliation se résume par l’expression « rien sur nous sans nous », c’est-à-dire qu’il faut établir des relations de confiance et répondre aux conseils fournis par les leaders des communautés autochtones. L’une des difficultés réside dans le fait qu’il existe plus de 50 Premières Nations au Canada, réparties dans plus de 650 communautés, ainsi que d’importantes populations vivant hors des réserves. Il existe de nombreuses « cultures autochtones » et langues différentes. Cela dit, la communauté mathématique canadienne, au sens large, devrait s’efforcer d’entretenir des relations avec chaque communauté ainsi qu’avec les leaders autochtones à l’échelle nationale. Et pour établir des relations, il faut de l’argent. Nous devons nouer des partenariats avec des entreprises qui ont des intérêts naturels dans le nord du Canada, où les communautés sont particulièrement coûteuses à visiter. Nous devons instaurer un climat de confiance avec le gouvernement fédéral – la cible du 7e appel – afin d’obtenir un financement suffisant pour tenir des activités durables.

Pour en revenir à l’établissement d’un climat de confiance avec les communautés autochtones, le comité pour la réconciliation en mathématiques pourrait organiser une activité, coordonnée avec les personnes aînées de la nation sur les terres traditionnelles de laquelle se tient une réunion d’été ou d’hiver, qui sensibiliserait la communauté mathématique à la signification de la réconciliation ou, plus généralement, aux répercussions de la colonisation sur les Premières Nations. Un exercice des couvertures [5], s’il est offert, serait également utile lors d’une assemblée générale annuelle.

Enfin, à une échelle individuelle, si vous faites quelque chose ou songez à faire quelque chose qui pourrait être en lien avec le mandat du comité pour la réconciliation en mathématiques, faites-le savoir afin que vos bonnes idées soient diffusées.

[1] https://www.residentialschoolsettlement.ca/French/IAP_Final_Report_French.pdf

[2] https://nctr.ca/documents/rapports/?lang=fr

[3] https://caims.ca/

[4] https://www.cmesg.org/

[5] https://www.kairosblanketexercise.org/francais/