Javad Mashreghi's portrait

Il y a 20 ans, lorsque je me suis joint à la Société mathématique du Canada en tant que jeune professeur agrégé, le conseil d’administration discutait de la possibilité de la création d’une nouvelle revue. Le président du comité de publication avait rédigé un rapport bref pour discuter de cette proposition avec le conseil et les directeurs. Il était entendu qu’une décision immédiate ne serait pas envisageable et qu’il y avait plusieurs obstacles à surmonter. Près d’une décennie après, lorsque je suis devenu membre régulier du Comité de publications, la création d’une nouvelle revue figurait toujours comme sujet de discussion dans des réunions de plusieurs comités, sous le titre « Questions découlant des réunions précédentes ». En 2016, je suis devenu président du Comité de publications et, comme j’aurais prévu, on réfléchissait toujours sur la possibilité d’une nouvelle revue. Aucune nouvelle revue ne fut  créée pendant mon mandat. Or, ce sujet figure encore une fois sous le célèbre titre « Questions découlant des réunions précédentes » dans le calendrier du Comité exécutif pour le printemps 2021. Pourquoi une si longue histoire? Regardons cette question de plus près.

Le Canada a une renommée mondiale dans différents domaines mathématiques. Grâce à mes intérêts de recherche, je suis familier avec plusieurs groupes de recherche en analyse harmonique, en théorie d’opérateurs et en algèbre d’opérateurs. J’ai aussi le privilège de connaître des ami.e.s et des collègues impliqué.e.s dans des groupes de recherche tels que la géométrie et la topologie, la théorie des nombres, la physique mathématique, la théorie des graphes et la combinatoires. L’une des premières idées proposées était de créer une nouvelle revue qui porte sur une seule discipline. Quoique cette idée ait pris de l’essor de temps en temps, il n’a pas eu un large soutien au sein du Comité de publications. Il y a plusieurs raisons pour l’échec de cette approche. D’abord, il existe déjà des revues prestigieuses dédiées à la plupart de ces disciplines. Il est donc plutôt difficile d’en créer une nouvelle. Deuxièmement, il n’est pas facile de former un comité de rédaction aussi étroitement ciblé. Troisièmement et surtout, on ne sait pas pour combien de temps le domaine choisi resterait courant. On attend à ce qu’une revue soit publiée pendant de nombreuses années. Or un domaine donné de recherche pourrait perdre de sa pertinence, ou il pourrait être éclipsé par d’autres domaines plus actifs; dans les deux cas, il serait très difficile de maintenir une revue qui est seulement consacrée à un domaine en particulier. Lorsque j’ai commencé mes études de doctorat à l’Université McGill dans les années 1990, Montréal était un centre d’analyse harmonique classique. De nombreux chercheurs renommé tels que K. Gowrisankaran, V. Havin, C. Herz, I. Klemesh, P. Kousis, ainsi que P. Gauthier et son séminaire d’analyse, avaient tous transformé Montréal en paradis d’analyse classique. Montréal continue toujours à être l’un des centres importants de mathématiques au Canada avec plusieurs groupes de recherches solides. Le flambeau d’analyse classique y est toutefois presque éteint. On peut imaginer les conséquences si les pionniers avaient décidé de lancer une revue consacrée à ce sujet dans les années 1990. Bref, il ne faut pas mettre tous nos œufs dans le même panier. Il est préférable de publier une revue générale.

On propose le lancement d’une nouvelle revue, disons les Transactions, qui présente deux critères quant à la limite de pages. Selon cette proposition, qui est approximative et non encore approuvée, les articles de moins de 15 pages seront envoyés au Bulletin, ceux entre 15 et 40 au Journal, et les articles qui excèdent cette dernière limite seront considérés pour les Transactions.

En effet, une deuxième tendance, plus dominante, est de créer une revue à portée générale, comme le Bulletin et le Journal, mais pour des articles plus longs. Actuellement, la limite de pages pour les  articles du Journal est 18. Les articles plus courts sont publiés dans le Bulletin. Les auteurs.trices des articles de 18 pages manipulent LaTeX pour rendre leur article plus long ou plus court et éviter tout conflit. On propose le lancement d’une nouvelle revue, disons les Transactions, qui présente deux critères quant à la limite de pages. Selon cette proposition, qui est approximative et non encore approuvée, les articles de moins de 15 pages seront envoyés au Bulletin, ceux entre 15 et 40 au Journal, et les articles qui excèdent cette dernière limite seront considérés pour les Transactions.

Malgré les initiatives susnommées, la nouvelle revue n’a pas encore été lancée. Je peux mentionner au moins deux raisons principales pour cela. Tout d’abord, il est vraiment difficile de partir à zéro et de lancer une nouvelle revue. Le Comité de publications a donc des difficultés à trouver des rédacteurs.trices en chef pour amorcer le travail; c’est une tâche qui prend beaucoup de courage. Deuxièmement, nous entrons dans l’ère du libre accès. La SMC a été régulièrement en contact avec les Presses Universitaires de Cambridge pour mieux comprendre ce concept et prendre les décisions appropriées. Ces discussions n’ont pas été faciles et ne sont pas encore terminées. L’avenir de la revue scientifique n’est pas trop transparent en ce moment, ni pour nous ni pour les éditeurs.trices. D’où la difficulté de lancer une nouvelle revue.

Enfin, la discussion autour de la création de la nouvelle revue est encore une fois au programme de la Réunion d’été. Faisons-en une réalité!