MOSAIC est une chronique dirigées par le Comité ÉDI de la SMC qui porte sur l’équité, la diversité et l’inclusion au sein de la communauté mathématique. Vos commentaires et suggestions sont les bienvenues
Steven Rayan (il), Université de la Saskatchewan (rayan@math.usask.ca)
Deux ans après le début de la nouvelle décennie, nous sommes déjà confrontés à des défis formidables. La pandémie de COVID-19 a déferlé sur le monde entier, coûtant la vie et la santé d’une population importante. Dans nos efforts de nous protéger les un.e.s les autres contre ce virus en mutation, nous avons appris à mener des vies confinées qui ont mis à l’épreuve nos liens sociaux. En même temps, nous continuons d’être témoin de la brutalité innommable du racisme et de la haine. Il y a un an, la vie de George Floyd a pris fin brusquement par une violence sauvage alimentée par la haine; un évènement qui a suscité de nouvelles conversations sur le racisme systémique et envahissant dans les nations à tous les coins du monde. Cette année, nous avons été également témoins des meurtres brutaux des personnes asiatiques aux É.-U. et des personnes de confession musulmane au Canada. Au cours des dernières semaines, la découverte des charniers et des tombes anonymes au Canada sur les sites d’anciens pensionnats autochtones a secoué et horrifié le pays. Ces découvertes servent de triste rappel de tout le travail qui reste à faire dans le cheminement vers la guérison et la réconciliation.
Il subsiste un mythe répandu dans la communauté scientifique selon lequel les mathématiques, et plus largement les sciences, sont à l’abri de ce qui se passe dans le monde réel, et les injustices auxquelles sont confronté.e.s de nombreux.ses membres de la population ne sont vécues que par quelques personnes au sein de la communauté scientifique qui est autrement très accueillante et tolérante. Ce mythe courant fait partie du problème et est un obstacle au changement positif. Plus tôt nous reconnaitrons que la communauté mathématique est un microcosme du monde réel, plus tôt nous serons à même de prendre des mesures collectives et nécessaires pour créer une communauté accueillante et tolérante à laquelle nous aspirons.
Mon affirmation qu’il s’agit là d’une conception erronée de la communauté mathématique ne convaincra pas tou.te.s les lecteurs.trices de ce texte. Ceux-ci et celles-ci réagiront selon leur expérience vécue et la place de l’idée de la philosophie de mathématiques en tant qu’utopie dans leur conscience. J’invite les lecteurs.trices de ce texte à considérer des expériences qui dépassent les leurs et à se poser des questions difficiles, mais simples, sur leur entourage professionnel – questions qui sont simples à poser, mais dont la réponse se prouve difficile et risque de dévoiler des vérités incommodantes. Commençons avec les questions suivantes : votre département est-il diversifié? Croyez-vous que toutes les voix dans votre université ou votre collège sont entendues? Croyez-vous que chaque individu autour de vous est récompensé de façon équitable et juste pour son travail et son expertise? Le terrain de jeu est-il égal pour tou.te.s? En plus de ces questions, je vous encourage à regarder le documentaire Picture a Scientist, qui met en relief des détails horrifiants des injustices auxquelles sont confrontées les femmes en sciences. Je salue le Pacific Institute for the Mathematical Sciences (PIMS) et son comité d’équité, de diversité, et d’inclusion, pour rendre ce documentaire accessible à la communauté et pour avoir organisé une séance de discussion en journée des Femmes en mathématiques en mai 2021.
Le comité d’équité, de diversité et d’inclusion de la SMC, créé il y a un an, tâche d’élaborer les stratégies qui rendront les mathématiques au Canada plus diverses et inclusives. La tâche est grande et trouver un point de départ n’est pas chose facile. Prenez, par exemple, les Réunions de la SMC, la plus récente étant celle du 75+1e anniversaire de la Société en juin 2021. J’y ai assisté – virtuellement, comme les autres participant.e.s – et c’était absolument fantastique. Ces Réunions semi-annuelles de la SMC sont devenues un incontournable pour la communauté mathématique du Canada. Nous sommes nombreux.ses à les apprécier : voyager à un campus calme et pittoresque en juin ou bien se rendre à un centre de conférence d’hôtel après avoir bravé l’hiver et les examens finaux de décembre et, dans les deux cas, retrouver le plaisir de revoir les collègues et les ami.e.s de différents coins du pays et du monde. Or ces évènements sont-ils inclusifs? Les frais d’inscription et le coût de déplacement sont-ils prohibitifs pour les étudiant.e.s et les professeur.e.s non titulaires? Qu’en est-il pour les participant.e.s ayant des besoins en matière d’accessibilité pour qui le déplacement est ardu, sinon impossible? Les futures réunions doivent-elles se tenir de façon hybrides? Les sessions scientifiques, dont les intervenant.e.s sont les plus souvent directement invité.e.s, sont-elles diverses? Cette question est surtout importante lorsqu’une session est organisée à plusieurs reprises sans intervenant.e.s issu.e.s des groupes sous-représentés. Dans les prochaines réunions de la SMC, vous verrez des changements dans certains aspects de l’organisation des dites réunions. Changements qui sont motivés par les questions et les observations ci-dessus. Tout d’abord, nous allons permettre à toute personne d’envoyer une proposition pour intervenir dans les sessions scientifiques. Restez à l’écoute!
Il subsiste un mythe répandu dans la communauté scientifique selon lequel les mathématiques, et plus largement les sciences, sont à l’abri de ce qui se passe dans le monde réel, et les injustices auxquelles sont confronté.e.s de nombreux.ses membres de la population ne sont vécues que par quelques personnes au sein de la communauté scientifique qui est autrement très accueillante et tolérante. Plus tôt nous reconnaitrons que la communauté mathématique est un microcosme du monde réel, plus tôt nous serons à même de prendre des mesures collectives et nécessaires pour créer une communauté accueillante et tolérante à laquelle nous aspirons.
Les Réunions de la SMC ne sont qu’un exemple qui se soulève – sans pour autant s’attaquer à la question plus large de l’opération des départements de mathématiques, pour le meilleur ou pour le pire. Il faut oser repenser nos opérations, même celles que nous pensons peut-être immuables. Nous devons oser remettre en question toutes les structures en jeu, dont certaines, délibérément ou inconsciemment, maintiennent le statuquo et empêchent les groupes moins puissants d’atteindre à l’équité. Nous devons sortir de nos zones de confort et écouter. Et puis, agir.
Le but de cette chronique est de propulser des idées et des questions en action. La chronique s’intitule MOSAIC :
Mathématiques ouvertes sur la société, accessibles et inclusives en chroniques
Cette chronique parle notamment du respect, de l’honnêteté, de l’apprentissage, de la guérison, de l’accueil, de la résolution de problèmes, de la reconnaissance et de l’écoute, d’aller de l’avant et de bâtir une communauté mathématique canadienne plus forte et plus riche. Vous pouvez y lire sur les défis actuels sur divers fronts et les stratégies pour les relever, des exemples réussis de solidarité, des problèmes qui affectent les étudiant.e.s et les mathématicien.ne.s émergeant.e.s, des conseils pour créer l’équilibre entre vie privée et professionnelle, des annonces et des résumés des évènements pertinents et un remue-méninge sur les stratégies de sensibilisation.
Les premières chroniques seront rédigées par les membres du Comité ÉDI : Habiba Kadiri (professeure agrégée à l’Université de Lethbridge), Elana Kalashinkov (professeure agrégée à l’Université de Waterloo), Karen Meagher (professeure à l’Université de Régina et présidente du Comité de femmes en mathématiques), Israel Ncube (professeur à Alabama A&M University), Monica Nevins (professeure à l’Université d’Ottawa et membre du Comité exécutif de la SMC) et Reila Zheng (doctorante à l’Université de Toronto). Nous prévoyons aussi inviter d’autres collaborateurs.trices à contribuer.
Vous pouvez vous aussi faire partie de ce projet. Si vous avez un article à nous proposer, veuillez écrire au Comité ÉDI. Vos idées concernant le projet Mathématiques inclusives seront également reçues avec beaucoup d’enthousaisme.
J’aimerai aussi remercier Denise Charron, Termeh Kousha, Zishad Lak, Yvette Roberts, Gosia Skrobutan et Sarah Watson du bureau exécutif de la SMC pour nous aider à animer et à afficher les évènements et le contenu du programme d’ÉDI au sein de la SMC cette année.
Steven Rayan (il) est le président du Comité ÉDI de la SMC et professeur agrégé au département de mathématiques et de statistique de l’Université de la Saskatchewan située sur le territoire du traité 6 et le territoire du peuple métis.
Traduction : Zishad Lak