À la mémoire du Dr Robert Woodrow – Contribution du Dr Gena Hahn

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À la mémoire de Robert Woodrow
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À la mémoire de Robert Woodrow
Septembre 2025 (tome 57, no. 4)

« Robert Woodrow était un de mes meilleurs amis, et un des plus anciens – nous nous sommes rencontrés en 1975. Beaucoup sera écrit en sa mémoire, sur son apport aux mathématiques, sur sa contribution à l’éducation mathématique, à la SMC. J’évite ces sujets avec une exception. Les travaux de Robert, avec son directeur de thèse Alistair Lachlan, sont fondamentaux. D’autres en diront davantage. Je ne parlerai ici que d’une des facettes de Robert, il en existe beaucoup d’autres, que j’ai souvent eu l’occasion aussi de partager avec lui, toutes aussi plaisantes.

Il est trois heures du matin. Les voix au maximum, un argument pour sauver le monde encore une fois en pleine action. Le lendemain on aura mal aux cheveux suite aux vins et au cognac consommés pendant un long et excellent repas que nous avions passé la journée à planifier et à préparer.

Tels étaient les moments avec Robert Woodrow, malheureusement plutôt rares ces dernières années, dont le cadeau d’anniversaire pour moi, deux jours en avance, était de mourir. Il n’est pas pardonné.

Nous nous sommes rencontrés pendant nos études à SFU autour des vins et de la cuisine. Je travaillais comme serveur dans un restaurant français pendant mon MSc, il travaillait sur son PhD. Il m‘a expliqué le théorème de Ramsey la compacité autour d’une bière. Il m’a raconté un devoir en théorie des nombres en sous-gradué fait à partir des axiomes de Peano. Nous nous sommes mis à inviter nos amis et nos collègues à manger. Des repas multi-plats que nous planifiions pendant longtemps avant de les réaliser en cuisine. Les courses à cinq heures pour un repas à sept heures permettaient aux invités de se mariner et ne pas trop critiquer. Il y aurait eu un hors-d’œuvre, un plat de poissons, une viande, une salade, des fromages, un dessert. Des vins aussi bons que nous pouvions nous payer ; les prix étaient bien plus bas à l’époque, non seulement dans l’absolu mais aussi relativement. Je me souviens avoir acheté une bouteille de Rémy Martin Louis XIII pour 50$ ; elle est à 5000$ aujourd’hui. Robert étant Robert, il insistait souvent que chaque portion soit aussi grande que si c’était le plat unique du repas. Nous étions jeunes.

Nous avons continué de manger ensemble, visiter des restaurants trois étoiles, échanger nos assiettes mi-chemin afin de goûter tous les plats. Nous achetions du vin ensemble, en France, souvent en primeur. Je ne pourrai jamais reboire des Richebourg ou des Clos de la Roche aux prix courants. Je suis en train de finir les dernières bouteilles sans Robert – 1975 Château Chalon de M. Perron, médaille d’or, 1999 Gevrey Chambertin Grand Cru de M. Geantet-Pansiot, 1999 Chambolle Musigny du même. Robert est jaloux.

Nous travaillions ensemble. Nos articles des années 80 ont été écrits en grande partie dans la cuisine avec un verre de vin, dans le living avec un verre de scotch, dans de bons restaurants autour d’un bon repas. Idiots que nous étions, il nous arrivait de ne rien noter et devoir recommencer le travail un an plus tard. C’est même arrivé deux fois pour un problème. J’ai deux articles à terminer sans que Robert m’aide.

Nous nous souviendrons tous du personnage rayonnant, souvent souriant, ne supportant pas les imbéciles, généreux comme deux. Il nous est arrivé assez souvent de sortir avec un groupe et de nous fâcher quand les gens commençaient à calculer leurs propres dépenses à l’arrivée de l’addition, et donc de tout payer. Lui plus souvent que moi, parfois on partageait. Robert était très généreux envers ses étudiants et ses collègues aves ses connaissances, sa sagesse, son hospitalité. Les discussions chez lui étaient toujours animées (souvent infusées d’alcool). Je ne peux pas imaginer des ennemis à Robert, bien que son allergie aux imbéciles aurait pu en créer. Qu’ils restent imbéciles.

Robert n’est plus, mais il vivra dans nos mémoires. Des verres lui seront levés partout dans le monde et leur contenu devrait être quelque chose de bon. Un Richebourg, un Montrachet, un Lagavulin ou un Octomore, peut-être un XO, soit cognac soit Armagnac. Surtout pas du blended whisky ou brandy.

Voici, à Robert. »

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