L’Alchimie

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Éditorial
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Éditorial
Juin 2022 (tome 54, no. 3)

J’étais récemment en train de lire un livre sur l’histoire de l’alchimie. Ce qui m’étonnait le plus était l’entêtement des alchimistes : la plupart de leurs recherches étaient seulement dédiées à un ou deux buts; la transmutation des médailles de base en or ou en argent, normalement par le moyen de la pierre philosophale (qui rend des gens immortels). Quelques procédés utiles (notamment la distillation de l’alcool) étaient développés au cours du processus, mais il y avait surtout très peu de divergences lorsqu’on considère le temps et le travail consacrés au sujet. Un obstacle majeur était sans doute le caractère rétrograde de la tradition alchimique : la plupart des alchimistes se croyaient en train de redécouvrir d’anciens secrets. Il y avait un accord général sur les détails du secret, donc il était inutile de chercher ailleurs !

Après un bon moment, j’ai commencé à me demander que serait l’épisode correspondant dans l’histoire des mathématiques, s’il y en a. L’astronomie était longtemps freinée par le système ptolémaïque; la biologie était entravée par la théorie des humeurs parmi d’autres. Les idées d’Aristote sur la mécanique faisaient peu pour aider le progrès de la physique. Que dire alors de notre sujet ?

Si l’on regarde assez loin en arrière, les mathématiques n’étaient simplement pas largement étudiées. Quand avait-on donc commencé? Il est difficile à dire – il est probable que la plupart des textes de mathématiques des temps babyloniens sont perdus pour toujours. Cependant, nous savons qu’ils avaient une compréhension de la trigonométrie et de l’algèbre et qu’ils les appliquaient à l’astronomie. Selon les informations que j’ai trouvées, il n’y a pas d’évidence qu’ils avaient tort (comme culture) sur des applications mathématiques.

Et puis arrivait Pythagore (attention à la sursimplification populaire), vers 500 AEC, et soudainement nous avons la théorie des nombres et la géométrie. Bon, il n’était pas aussi simple que ça : mais il y a peu d’évidence que la touche de mysticisme que les fidèles à Pythagore ajouraient à leurs mathématiques faisait du mal. L’identification des nombres impairs comme ‘masculins’ et des nombres pairs comme ‘féminins’ semble improductive et futile, mais il ne semble pas avoir un impact sur leurs mathématiques. Euclid, qui travaillait vers 300 AEC, manquait parfois de rigueur, mais si l’on interprète ses résultats avec un peu de charité, ce sont presque infailliblement juste.

Alors, est-ce que les choses n’ont jamais déraillé pour les mathématiques? L’on pourrait penser aux ‘problèmes de l’antiquité’ – la trisection de l’angle, la duplication du cube, et la quadrature du cercle. Ceux-ci étaient une fois considérés comme respectables, mais difficiles, beaucoup comme nous en considérons la conjecture Riemann ou le problème ‘P = NP’. Au fil des ans, il y avait de la suspicion sur l’impossibilité de ces problèmes et l’on croyait que ceux qui essayaient de les résoudre gaspillaient leur temps. En 1837, Wantzel a prouvé que ceci était en fait le cas. Il va de soi que cela n’a pas arrêté les trisecteurs ! Une bonne analogie dans les sciences naturelles pourrait être le rêve de construire une machine de motion perpétuelle, qui avait une évolution similaire d’idée plausible à excentrique, puis à une ‘science de marge’ abordée seulement pas ceux qui ne comprenaient pas pourquoi il n’était pas possible. Il convient de noter que ni la motion perpétuelle ni les ‘problèmes de l’antiquité’ n’ont jamais dominé les recherches de leurs communautés respectives.

Certes, le principe n’est pas que les premiers mathématiciens étaient plus fiables que leurs contreparties en autres sujets. En revanche, ils avaient (et nous avons) de la chance que les mathématiques n’ont qu’à être cohérentes à soi, ce qui est beaucoup plus facile qu’être cohérent à la réalité.

Envoyer un courriel à l’auteur(e) : dawson@cs.smu.ca
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